JEAN

Juillet 1997:

Il fait chaud en ce soir d’été 1997. Nous sommes tous dehors, et écoutons Jean nous raconter avec un talent certain, les histoires de notre famille.

Il est si beau Jean. Avec ses yeux noirs, sa peau brune et ses cheveux de jais. Aucun de nous ne lui ressemble.

 

Septembre 1943:

Jean à 7 ans. Il court. Aussi vite que ses petites jambes le lui permettent. Devant lui, David, 9 ans, ouvre le chemin.

Courir. Enjamber le muret qui borde la route. Courir encore pour être à couvert dans le petit bosquet. Vite. Traverser le champs du vieil Emile. Là-bas, la Loire et la cabane des pêcheurs. Ils y seront à l’abris jusqu’à ce qu’on vienne les chercher.

Un peu plus tôt, Huguette est venu prévenir l’instituteur que les soldats allemands étaient dans l’école des filles. Vite, VITE. « Partez les garçons. Courez ».

Vite, cacher la petite Madeleine et ses jolies boucles rousses dans la remise derrière la bibliothèque. Elle n’a que 5 ans… Chut, pas un bruit les enfants. Au travail.

 

Jean et David attendent. La nuit commence à tomber. Ils ont faim. Et peur. Si peur…Marcel, le maréchal ferrant est passé prendre son matériel de pêche dans l’après-midi. Surpris de voir David et Jean , il n’a pas dit un mot mais à tout compris. Il préviendra quand il remontera au village. Il a partagé avec eux le peu de pain qui restait dans sa besace.

La nuit est tombée depuis longtemps à présent. Des pas. La peur. Et le soulagement. C’est Jacques.

Jacques a la mine sombre. Il ne parle pas. Ils marchent en silence, éclairé par la Lune, sur le chemin de terre. Passent à côté du calvaire. Remontent vers la maison. Les larmes de sa mère. Dans le vieux fauteuil du salon, Adèle pleure en silence. Sa fille Alice à ses côtés.

Les soldats allemands ont trouvé la petite Madeleine dans l’école. Ils l’ont emmené. Puis, ils sont allés jusqu’à la ferme des Tournier. Fusillé André, Claude et Aimé. Quand Adèle est revenu des champs avec Alice, elle a trouvé son mari et ses garçons dans la cour de la ferme. Le sang. Partout.

 

Avril 1939:

Suzanne et Louis habitent à Paris. Ils viennent dans leur Sologne natale se mettre à l’abris. Un petit garçon les accompagne. Leur fils, qui à 3 ans. L’année dernière ils n’avaient pas d’enfant.

 

Mai 2019:

Jean est mort depuis plusieurs année. Je pense à lui avec nostalgie. Lui, qui a été adopté à 3 ans, était la mémoire de ma famille et celui par qui elle commence