1er juillet 2014: Little R est né à 19h53, en deux poussées, Little M à 19h55, tiré par les pieds par un médecin.
Ils ont tout de suite été pris en charge par les pédiatres. Little M a eu besoin d’être réanimé. Intubés tous les deux, direction la réa. Monsieur E est allé les voir le soir même. Je n’y suis allé que le lendemain. « Ils sont minuscules, minuscules » est la seule phrase que je pourrais prononcer ce jour là. Ils sont dans des incubateurs différents, mais dans la même chambre.
3 juillet 2014: Nous faisons un premier point avec la pédiatre référente des garçons. Ils ont tous les deux fait une HIV grade 2 dans les heures qui ont suivi la naissance. A surveiller des près. Little R a en outre fait une hémorragie pulmonaire dans la nuit à cause du canal artériel qui n’est pas encore fermé. Il est dans un état stable. Nous partons prendre un café. 1 heure plus tard, nous retournons en réa. Nous ne pouvons pas accéder à la chambre des enfants. La pédiatre veut nous voir. Little M à fait « la même bêtise » que son frère, mais en plus grave. Il est dans une situation précaire mais stable. Il sera transfusé en urgence. Première transfusion d’une longue série.
15 juillet 2014: Le périmètre crânien de little R augmente trop vite. ll est transféré dans un autre hôpital pour passer une IRM. Nous attendrons une semaine avant d’en connaitre le résultat. Il faut l’avis de 2 neurologues et nous sommes en pleine période de vacances estivales. Le temps nous semble interminable. Nous soufflons un peu au moment du verdict. A priori, tout va bien, la substance blanche (qui entoure les ventricules) est homogène. Ouf. Nous reprenons espoir. Ce sera de courte durée.
30 juillet 2014: Little M est extubé depuis 12 jours mais il ne s’en sort pas. On enchaîne les désaturations de plus en plus profonde, il fatigue, fait des apnées. Il est au maximum des pressions de sa machine et augmente sans cesse ses besoins en oxygène. Il sera réintubé le soir même.
Little R ne va pas bien. Son périmètre crânien a augmenté d’un cm en 48h. (La norme voudrait qu’il augmente d’1 cm par semaine). Je ne veux pas y croire. Ce n’est pas la même infirmière qui a pris les mesures. Elle a du se tromper, mal mesurer. Elle me répond qu’il peut y avoir un écart d’un mm ou 2, mais pas d’1 cm.
31 juillet 2014: Nous n’avons pas dormi de la nuit. Monsieur E part au travail. Je téléphone à la réa à 8h. Le PC de Little R a encore augmenté d’1 cm entre hier et aujourd’hui. Habituellement, je vais en néonat de 13h à 21h. Je pars tout de suite en prenant soin de contacter Monsieur E pour qu’il vienne. Je sens la catastrophe arriver. Je SAIS. Lorsque nous arrivons, nous voyons Little R grimacer de douleur, c’est insupportable. Je pleure. Une fiche est complété à côté de son incubateur. Elle sert à évaluer la douleur du bébé. Il est au maximum pour tous les critères.
Il a passé une ETF juste avant que nous arrivions. Nous voyons la pédiatre plus tôt que prévu. Elle nous dit qu’elle n’a pas de très bonnes nouvelles pour little R. La situation est catastrophique. Une membrane s’est formé à l’intérieur des ventricules et a obstrué le canal d’écoulement du liquide céphalo-rachidien en dessous du 4ème ventricule. Son cerveau est complètement engorgé. Il n’y a aucun espoir pour que la membrane disparaisse. Ils ont tenté une ponction lombaire pour essayer de soulager la pression dans son cerveau mais le liquide est bloqué en amont. Il ne pèse qu’1 kg. Trop petit pour tenter quoi que ce soit. Son cerveau est de toute façon trop endommagé. Le tronc cérébrale et le cervelet sont comprimés, toutes les fonctions motrices sont touchées. Nous demandons à augmenter les sédatifs, et à ce que nos familles puissent le voir.
2 août 2014: Nous arrêtons les soins de little R. La journée la plus atroce que nous ayons eu à vivre jusque là.
Little M change de chambre pour une chambre individuelle, je crois que nous n’aurons pas supporté de voir un autre bébé à la place de notre little R.
7 août: Nous passons voir little M qui ne va pas bien. Depuis sa réintubation , l’inflammation de ses poumons augmente sans cesse. Il est maintenant à 80% d’oxygène. Les médecins tentent le traitement de la dernière chance pour l’extuber de façon définitive. Nous partons dire adieu à notre little R.
Le jour où nous scellons le petit cercueil blanc est née ma nièce… Enième pied de nez de DNLP.
3 semptembre 2014: Little M quitte la réa pour la néonat. Il n’a besoin que de lunette à oxygène pour respirer. Il boit mal ses biberons mais il progresse.
30 septembre 2014: Little M respire seul! Il ne lui reste plus que sa sonde gastrique. Nous découvrons son visage, sans collant sur les joues, sans moustache sous le nez.
13 octobre 2014: Little M rentre à la maison. Il vomit un biberon sur 2 (ou 3 quand on a de la chance). Le retour à la maison est difficile. Il pleure sans cesse, ne supporte pas d’être allongé. Nous retournons voir la pédiatre. Gros RGO, oesophagite. Little M est brulé de l’oesophage jusqu’aux voies respiratoires…début des traitements et la galère continue.
Aujourd’hui, il à 19 mois AR (bientôt 16 mois AC). Il lui reste 2 séquelles de la prématurité. Une bronchodysplasie sévère et un syndrôme de dysoralité sensorielle. Il ne supporte pas les morceaux et vomit encore régulièrement. Il vomit quand il rit trop, il vomit quand il pleure, il vomit quand il tousse, il vomit quand un morceau le gêne, il vomit quand ses mains sont sales… Je ne sais pas combien de fois la machine à laver à tourné, combien de fois la serpillère à frotté le sol…6 ou 700 fois peut être?
Je suis triste pour mon little M. Triste de voir la colonne de petit points blanc sur ses mains, (« les prémas on ne sait plus ou les piquer, ils ont tellement de cicatrices… » dixit l’infirmière du labo), triste quand je pense à tout ce qu’a subit son corps dans les premiers mois de sa vie (5 ponctions lombaires, 5 transfusions, des dizaines de perfusions donc, 3 extubations/ réintubations, et tant d’autres choses encore), triste de voir qu’à 19 mois il ne pèse que 7kg500 et qu’il manque de masse musculaire, triste de savoir qu’il va devoir grandir sans son frère, triste de savoir que les gens, parfois, s’intéressent à lui pour voir s’il est « normal »…
Je suis amusé quand je compare la taille de ses narines (nous n’avons jamais dit « narine gauche, narine droite » mais « la petite narine » et « la grosse narine »), amusé de le voir si bien se débrouiller pour arriver à ses fins, amusé lorsqu’il vient me réclamer un épisode de « be brun » ou un morceau de « kiri tiri kiri »…
Je suis fière de lui.